— Leurs frères ? dis-je avec calme. Tu comptes sur les Obeïd et sur les Abou Hamed unis aux Djouari, n’est-ce pas ? »
Eslah al Mahem me regarda avec surprise et me demanda d’un ton rogue et inquiet :
« Comment connais-tu ces tribus ? Comment sais-tu ce qu’elles font ?
— Je sais qu’en cet instant elles sont enveloppées par les guerriers des Haddedîn, comme tu te trouves enveloppé au milieu de nous.
— Tu mens ! tu es une bête sauvage ! Toi ni les Haddedîn ne pouvez rien contre nous. Nous nous emparerons de nos ennemis, nous prendrons les filles et les troupeaux des Haddedîn !
— Qu’Allah t’éclaire, cheikh ! Pourquoi t’aurions-nous attendu ici, si nous n’avions su que tu t’avançais contre le cheikh Mohammed ?
— Comment sais-tu cela ? J’allais vénérer la tombe du hadji Ali.
— Tu allais prier sur cette tombe pour le succès de tes armes. Mais écoute : la tombe d’Ali se trouve sur la rive gauche du Tigre, et tu es venu sur la rive droite ! Tu voulais épier auprès de l’Oued Nour l’arrivée de tes alliés. »
J’avais touché juste, je m’en aperçus aux traits contractés du cheikh ; il reprit, me bravant avec un rire ironique :
« Ton intelligence est faible et molle comme l’éponge qui croît au bord de l’eau. Rends-nous la liberté, et tu n’auras rien à craindre ! »
Ce fut à mon tour de rire ; je lui demandai :
« Et que m’arrivera-t-il, si je te garde ?
— Les miens sauront me rejoindre, alors ta perte est certaine !
— Tes yeux sont aveugles et tes oreilles sourdes, cheikh ; tu n’as ni vu ni entendu ce qui s’est passé avant que tes hommes aient traversé le fleuve.
— Quoi donc ? murmura-t-il d’un air dédaigneux.
— Ils ont été surpris par les Haddedîn, ainsi que tu l’es toi-même en ce moment.
— Où ?
— A l’Oued Deradji. »
L’Obeïd sembla se troubler, je repris :