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UNE AVENTURE EN TUNISIE

— Nous allons voir ce que deviennent ces gens ; qui sait s’ils ne nous épient point ? »

Je gagnai le bord de l’escarpement, et j’aperçus les deux cavaliers trottant dans la direction du sud à une distance satisfaisante. Halef m’avait suivi.

« Tu vois, dit-il, ils vont vers le Bir Saouidi.

— Bah ! quand nous n’aurons plus l’œil sur eux, ils tourneront bride.

— Sidi, ton esprit me paraît faible : ils ne reviendront pas se livrer entre nos mains.

— Ils croient que nous ne partirons que demain matin ; ils espèrent prendre une bonne avance sur nous.

— Qui veut deviner n’atteint pas toujours la vérité.

— Pourquoi ce manque de confiance ? tout ce que je t’ai dit n’était-il pas juste ?

— Alors suivons-les.

— Non, nous pourrions les dépasser, et nos traces leur donneraient l’éveil.

— Eh bien, retournons au bord de l’eau et reposons-nous. »

Nous reprîmes notre place ; je m’étendis sur ma couverture et tirai le bout de mon turban sur mon visage en guise de voile, puis je fermai les yeux non pour dormir, mais pour mieux réfléchir à notre aventure. Il n’est guère facile, au milieu de l’atmosphère brûlante du Sahara, de fixer sa pensée sur un point quelconque sans que l’engourdissement s’empare de l’imagination ; je ne tardai guère à m’endormir profondément, et deux heures se passèrent avant mon réveil.

L’ouad ou ouadi de Tarfaoui se jette dans le chott Rharsa. Nous devions donc abandonner son cours pour nous diriger au midi vers Seddada. Après une heure de marche environ, nous remarquâmes les empreintes de deux chevaux allant de l’est à l’ouest.

« Eh bien, Halef, reconnais-tu ces pas-là ? demandai-je à mon compagnon.

— Par Allah ! tu as raison, Sidi ; ils marchent vers Seddada. »

Je voulus examiner les vestiges des chevaux, et me convainquis bientôt que le passage des deux bandits ne devait pas remonter au delà d’une demi-heure. Cette conviction me fit