« Savez-vous quel est le devoir d’un brave guerrier quand il veut faire la guerre ? »
Les malheureux baissaient la tête sans répondre ; le cheikh continua avec véhémence :
« Un vaillant ben Arabe ne vient pas comme un assassin surprendre son adversaire ; il fait déclarer la guerre par ses envoyés, afin que le combat soit loyal. Vos chefs ont-ils fait cela ?
— Nous n’en savons rien, ô cheikh !
— Vous n’en savez rien ! Qu’Allah raccourcisse votre langue ! Votre bouche est pleine de mensonge et de fausseté. Vous ne savez pas ce que font vos chefs, et ils vous avaient confié la garde du défilé de Deradji ! Ne deviez-vous pas dénoncer nos mouvements ? Je traiterai les vôtres comme ils le méritent, et je vais commencer par vous. Qu’on appelle Abou el Mansour, le Père du Couteau. »
Quelques-uns des assistants s’éloignèrent et revinrent aussitôt avec un homme portant une cassette.
« Liez ces espions ! ordonna le cheikh ; enlevez leur marameh (morceau de linge enroulé sur la tête en guise de turban). » Lorsque l’opération fut finie, le chef, se tournant vers l’homme à la cassette, lui demanda :
« Dis-moi, ô Abou el Mansour, quel est le plus précieux ornement de l’homme et du guerrier ?
— La barbe qui protège sa figure.
— Que faut-il faire à un homme lorsqu’il se montre lâche comme une femme, lorsqu’il ne dit pas la vérité, lorsqu’il ment comme la fille de la femme ?
— Il faut le traiter comme une femme, comme la fille d’une femme !
— Eh bien, ces deux hommes portent barbe ! mais en réalité ils sont femmes ; aie donc soin, Aboul el Mansour, qu’on les reconnaisse pour ce qu’ils sont.
— Faut-il leur enlever la barbe, ô cheikh ?
— Je te l’ordonne.
— Qu’Allah te bénisse ! car tu es vaillant et sage entre tous les fils des Haddedîn ; tu es bon et plein de douceur envers les tiens, mais sévère et juste envers les ennemis de ta race ! Je vais obéir à ton commandement. »
Sur ce, l’orateur ouvrit sa cassette, en tira divers instruments,