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UNE AVENTURE EN TUNISIE

— Quoi ?

— Puis-je te demander quelque chose ?

— Oui.

— Connais-tu l’autruche ?

— Oui.

— Sais-tu comment elle est ?

— Comment ?

— Elle est bête, Sidi, très bête.

— Après ?

— Pardonne, Effendi, mais je trouve que tu as encore moins d’esprit que l’autruche.

— En vérité ! maître Halef, et pourquoi cela ?

— Parce que tu laisses courir ces drôles.

— Je ne pouvais les faire prisonniers, et je ne voulais pas les tuer.

— Pourquoi donc pas ? S’ils avaient assassiné un véritable croyant, je ne t’aurais pas laissé faire, je les aurais envoyés dans la Djehenna avec tous les diables. Ils ont tué un giaour, cela m’est égal qu’ils soient punis ou non ; mais toi, un chrétien, tu ne venges pas ton frère !

— Qui te dit que ces hommes ne seront pas punis ?

— Bah ! ils sont déjà loin ; ils vont atteindre le puits de Saouidi, puis se sauver dans l’Areg[1].

— Je ne le crois pas.

— Tu ne le crois pas ? mais ils te l’ont dit ; ils vont au Bir Saouidi.

— Ils mentent, ils vont à Seddada.

— D’où le sais-tu ?

— Par mes propres yeux.

— Qu’Allah bénisse tes yeux, qui lisent dans le sable ! Après tout, tu ne peux agir en vrai croyant, ne l’étant point ; mais je te convertirai, sois tranquille, bon gré mal gré !

— Bien, alors je dirai le nom d’un pèlerin qui n’a jamais vu la Mecque.

— Sidi, ne m’as-tu pas promis de ne jamais parler de cela ?

— Oui, à condition que tu n’essayeras pas de me convertir.

— Tu es le maître, je dois me taire ; que faisons-nous à présent ?

  1. Région des dunes.