Au moment où j’y rentrai, hommes, femmes et enfants, rassemblés devant les portes, attendaient avec inquiétude, n’osant encore bouger de peur du lion ; lorsque je fus aperçu, il s’éleva des clameurs assourdissantes ; le nom d’Allah fut répété sur tous les tons, des centaines de mains se levèrent me montrant, ainsi que la dépouille de la bête.
« Tu l’as tué ? s’écria le cheikh, qui s’avança vers moi. En vérité, et tout seul ?
— Tout seul.
— Le Cheïtan à dû te venir en aide !
— Le Cheïtan oserait-il s’approcher d’un hadji ?
— Tu as raison ; mais tu possèdes sans doute un charme, une amulette, un talisman qui te permet d’accomplir beaucoup de choses ?
— Oui.
— Montre-le-moi ?
— Le voilà !»
Je lui mis mon fusil sous les yeux.
« Ce n’est pas cela ; mais tu ne nous diras pas ton secret ; où est le cadavre du lion ?
— Là-bas, tout près du camp ; allez le chercher. »
La plupart des assistants se mirent à courir dans la direction que j’indiquais. C’était ce que je voulais.
« À qui doit appartenir la peau ? interrogea le cheikh, dont les yeux se fixaient avidement sur cette riche fourrure.
— Viens dans ta tente, on délibérera, » répondis-je.
Il ne restait plus qu’une douzaine d’hommes près du vieux chef ; ils nous suivirent. En entrant, je vis mes armes suspendues à une cheville ; je fis deux pas en avant et me saisis de mon bien. Je jetai mon fusil sur mon épaule et gardai ma carabine à la main ; la peau du lion me gênait beaucoup à cause de son poids. J’étais résolu cependant à la garder. Je me hâtai de retourner sur le devant de la tente ; là je dis au cheikh :
« Zédar ben Houli, je t’ai promis de ne pas tirer sur toi ni sur tes gens avec mon fusil, mais je n’ai pas parlé des autres armes.
— Elles ne t’appartiennent plus ; rends-les-moi !
— Comment ! elles ne m’appartiennent plus ! Eh bien, viens les prendre !