La nuit était venue ; nous marchions en silence ; je me sentais fort las. Enfin nous parvînmes près des tentes ; nous passâmes devant quelques-unes, qui étaient fermées ; un peu plus loin, sur le seuil de l’une d’elles, se trouvait un jeune homme ; il m’aperçut, moi-même je le reconnus dans la demi-obscurité.
« Allah il allah ! s’écria-t-il ; quel est ce prisonnier ?
— Nous l’avons trouvé là-bas dans la plaine, reprirent mes persécuteurs. C’est un étranger, il n’y a point de thar (de vendetta) entre lui et nous. Mais regarde quelle jolie bête le portait !
— Allah akbar ! c’est le cheval de Mohammed Emin, le Haddedîn ! Conduis cet homme à mon père le cheikh, il doit être interrogé, je vais prévenir les chefs.
« — Que ferons-nous du cheval ?
— Conduisez-le sous la tente du cheikh.
— Et les armes ?
— Mettez-les aussi dans la tente. »
Une heure plus tard, je comparaissais devant une assemblée, cette fois une assemblée de juges assez hostiles. Le plus âgé me demanda :
« Me connais-tu ?
— Non.
— Sais-tu où tu te trouves ?
— Non.
— Connais-tu ce jeune Arabe ?
— Oui.
— Où l’as-tu vu ?
— Au Djebel Djehenne ; il m’avait volé quatre chevaux. Je l’ai forcé à me les rendre.
— Ne mens pas !
— Qui es-tu pour me parler ainsi ?
— Je suis Zédar ben Houli, le cheikh des Abou Hamed.
— Zédar ben Houli, le cheikh des voleurs de chevaux.
— Tais-toi, homme ! Ce jeune guerrier est mon fils.
— Tu peux être fier de lui, ô cheikh !
— Tais-toi, te dis-je encore une fois, ou tu pourrais te repentir d’avoir parlé. Un voleur de chevaux, c’est toi ! A qui appartient le cheval que tu montais tout à l’heure ?
— A moi.