« Permets, » dis-je en saisissant l’arme, sur laquelle je lus rapidement : Paul Malingré, Marseille. — Ce nom ne devait pas être celui du fabricant, mais du propriétaire. Je dissimulai de mon mieux mes impressions et demandai avec calme :
« Quelle est cette arme ?
— Un revolver.
— Montre-moi comment on s’en sert. »
Il me l’expliqua avec beaucoup de précision ; je lui dis alors :
« Tu n’es pas de la race des Oulad Hamalek, tu es un giaour.
— Pourquoi ?
— Avoue que j’ai deviné. Un vrai fils du Prophète m’aurait déjà frappé si je l’avais appelé giaour ! D’ailleurs, les infidèles seuls possèdent et manient des armes semblables. — Comment celle-ci serait-elle entre les mains d’un Oulad Hamalek ? Te l’a-t-on donnée ?
— Non.
— Alors tu l’as achetée ?
— Non.
— C’est donc ta part de butin ?
— Oui.
— Et sur quel ennemi ?
— Sur un Français.
— Tu t’es battu avec lui ?
— Oui.
— Où ?
— En terre libre.
— À qui appartiennent ces objets ?
— À moi. »
Je ramassai le mouchoir, il était marqué P. M. J’ouvris la montre, elle portait les mêmes initiales sur le couvercle intérieur de la boîte.
« D’où viennent ces objets ? insistai-je.
— Que t’importe ? Ne les touche pas. » J’étais décidé à le braver. Je m’emparai du portefeuille ; sur la première page je lus encore le même nom : Paul Malingré ; les autres étaient couvertes de caractères sténographiques, je ne pouvais les déchiffrer.
« Laisse ce livre ! » répéta l’Arménien, et il me l’arracha des mains avec tant de violence, que le carnet alla rouler dans la mare.