« D’où venez-vous ? me demanda Lindsay.
— De la tente des femmes.
— Pas possible !
— Ces femmes se laissent voir sans voiles.
— Conduisez-moi près d’elles, je vous prie.
— Ce serait contre l’usage ; je n’y ai pénétré que parce qu’ils me prennent pour un pèlerin ; j’ai sur moi de l’eau de la Mecque, dont les effets, vous le voyez, sont merveilleux.
— Ah ! misérable que je suis ! Il me faudrait de cette eau.
— Cela vous servirait peu, vous ne savez pas l’arabe.
— Les ruines sont-elles ici ?
— Ici, non ; mais nous devons en approcher.
— Informez-vous donc ! Je voudrais déjà commencer mes fouilles. D’ailleurs ces gens nous donnent une nourriture détestable.
— Patience ! on va vous servir un grand festin arabe.
— Ah ! Ce cheikh n’a pourtant pas l’air trop hospitalier, hein ?
— Ses manières vont changer, vous verrez ; je connais des Arabes qu’il nomme ses frères ; je suis très bien vu de lui maintenant, il nous traitera en hôtes ; seulement il faudra faire retirer les domestiques. Ces gens se regarderaient comme offensés si vous vouliez faire manger vos serviteurs avec eux. »
Le cheikh ne tarda guère à reparaître ; puis après lui tous ses invités entrèrent dans la tente, qui put contenir à peine l’assemblée. Chacun s’assit suivant son rang, en formant un grand cercle. Le chef nous fit placer, l’Anglais et moi, à ses côtés.
Bientôt les esclaves noires, aidées de quelques Bédouins, apportèrent les mets.
On avait étendu devant nous la soufra, sorte de nappe en cuir tanné, dont les bords sont ornés de franges et de broderies de différentes couleurs. Cette nappe est munie d’une quantité de poches ou sacs ; repliée, elle sert pour transporter ou conserver les menues provisions.
On commença par le café, versé à chaque convive dans une petite tasse ; après quoi on nous présenta une marmite de salala, mets très rafraîchissant, consistant en lait caillé dans lequel on coupe des tranches de concombre assaisonnées légèrement avec du poivre et du sel.