hommes n’avaient pas eu le temps de cacher et qu’on rencontre rarement au désert : entre autres un mouchoir de soie, une montre avec une fort belle chaîne, une boussole, un magnifique revolver et un portefeuille de maroquin noir.
Je fis semblant de ne rien voir ; tirant une poignée de dattes de ma poche, je me mis à manger d’un air insouciant.
« Qu’allez-vous faire à Seddada ? me demanda celui qui portait la parole.
— Rien ; nous y passons pour aller de là beaucoup plus loin.
— Où ?
— Nous voulons traverser le chott Djerid et gagner Felnassa, puis Kbilli. »
Un regard significatif adressé à son compagnon m’apprit que les deux bandits suivaient justement le même itinéraire ; notre homme continua :
« Tu as des affaires là-bas ?
— Oui.
— Tu vas acheter des troupeaux ?
— Non.
— Des esclaves ?
— Non.
— Des marchandises que tu as fait venir du Soudan, peut-être ?
— Non.
— Quoi donc ?
— Rien. Un fils de ma race ne fait pas le commerce avec Felnassa !
— Peut-être vas-tu chercher une femme ? »
Je me composai un visage très courroucé.
« Oublies-tu que c’est injurier un homme que de lui parler de telles choses ? Es-tu un giaour pour méconnaître ainsi les usages ? »
Mon interlocuteur se sentait de plus en plus mal à l’aise ; à sa mine je crus avoir touché juste ; il n’avait nullement le type bédouin. C’est bien l’Arménien qu’on cherche, pensai-je soudain. C’est ce colporteur soupçonné d’assassinat à Blida ! Je me reprochai de n’avoir pas lu le signalement avec plus de soin. Comme j’étais préoccupé de cette idée, mon regard rencontra le revolver déposé sur le sol. La poignée, incrustée d’une petite plaque d’argent, me frappa.