Fallait-il en croire mes yeux ! Sur ce léger chameau, un bel hedjn de la montagne, le petit cavalier, dont le vent soulevait le manteau, ressemblait tout à fait à mon Halef. Où avait-il pris cette bête ? comment était-il ici ? Je regardai avec plus d’insistance encore : c’était bien Halef, Il voulait sans doute se faire reconnaître, car il levait les bras en l’air avec une pantomime des plus expressives.
Encouragé par l’arrivée de cet auxiliaire, je me rétournai vers Abou Seïf, et, le mettant en joue, je le menaçai de faire feu.
« Chien ! je te prendrai vivant ! criait le pirate. Je te réconduirai à la Mecque ; tu seras puni, profanateur ! »
Je visai le poitrail de son cheval ; la bête s’abattit entraînant le cavalier, sur le corps duquel elle s’agita quelques instants dans les dernières convulsions.
Je pensai qu’Abou Seïf finirait par se relever. Il n’en fit rien. Je crus à une ruse et n’approchai qu’avec précaution, La fille du cheikh accourait en même temps. Le brigand gisait dans le sable, les yeux fermés.
« Effendi ! cria l’Arabe, ta balle a devancé la mienne.
— Non, je n’ai visé que le cheval. Il n’est pas mort ; il a peut-être quelque chose de brisé à l’intérieur, ou n’est qu’étourdi. »
Je sautai à bas de mon chameau pour examiner le corps : il ne présentait aucune trace de blessure. Le brigand semblait pourtant sans connaissance, mais il n’était pas mort. L’amazone brandissait son grand coutelas avec un geste féroce.
« Que veux-tu faire ? m’écriai-je.
— Prendre sa tête.
— Tu n’en as pas le droit, cet homme m’appartient.
— Mon droit est plus ancien que le tien.
— Oui, mais le mien est le seul légitime aujourd’hui : c’est moi qui l’ai abattu.
— La coutume te donne raison, Sidi. Vas-tu le tuer ?
— Que ferais-tu si je le laissais vivre ?
— Si tu renonçais à ton droit, j’userais du mien.
— Je n’y renonce pas, et je veux le laisser vivre.
— Alors emmenons cet homme ; on décidera entre toi et moi. »
Halef nous rejoignait au même moment, criant tout hors d’haleine :
« Merveille divine ! Sidi, qu’as-tu fait ?