trompes pas pour m’empêcher d’avoir peur ? Qui peut faire de ses mains la figure du diable ? Aucun homme, ni chrétien, ni juif, ni musulman. Tu es un grand taleb et le plus vaillant héros que la terre ait porté ; tu auras forcé le Gheïtan à s’enfermer dans cette étroite prison ! Hamdoulillah ! quel bonheur ! Maintenant la terre n’a plus à le craindre, et les descendants du Prophète peuvent se réjouir, de son tourment, car il n’est point ici à son aise ! Mais pourquoi me montres-tu seulement aujourd’hui cette boîte enchantée ?
— Je te la donne, Halef, afin que tu en fasses présent à ta fiancée.
— Quoi ! cette chaîne plus précieuse que tous les diamants du trône du grand Mogol, et cette prison merveilleuse du Gheïtan ! Mais qui posséderait cet objet pourrait s’estimer le plus fameux entre les fils du Prophète. Tu voudrais t’en défaire, Sidi ?
— Oui. Je te le donne pour Hanneh.
— Effendi, sois bon ! permets que je le garde pour moi ; je préfère donner ma boîte aux allumettes.
— Non ; tu lui donneras cette chaîne, je te l’ordonne.
— J’obéirai, Sidi ; mais où as-tu eu ces trésors ? Je ne t’ai vu qu’hier placer tes petits paquets dans la valise.
— Je les gardais dans la poche de mon chalvar[1] tant que la route n’était pas sûre ; les pirates ne les ont point trouvés, la poche était cousue.
— Sidi, ta prudence et ton adresse surpassent les ruses du diable, que tu as forcé à demeurer dans ton chalvar. Quand dois-je faire ce cadeau à Hanneh ?
— Aussitôt que le contrat aura été dressé.
— Ainsi elle va devenir la plus fameuse de toutes les filles des Arabes, et toutes les tribus se diront qu’elle tient le Gheïtan enfermé ! Ne pourrais-tu me montrer les autres merveilles que contient ton sac ? »
J’allais répondre, mais nous fûmes avertis que le cheikh nous attendait. Nous le trouvâmes dans sa tente, entouré de toute la population du camp.
« Sidi, as-tu le parchemin ? souffla Halef à mon oreille.
— J’ai du papier, qui vaut tout autant. »
- ↑ Large pantalon turc.