femme ; il la conduit dans la ville sainte, où elle accomplit les prescriptions sacrées, puis on déchire le contrat ; elle reste ce qu’elle était auparavant et paye seulement le delyl de sa peine.
— Oui, je le sais aussi. »
Ce début du vieux cheikh m’intriguait ; où voulait-il en venir ? quel rapport entre le pèlerinage de Halef et les delyl de Djeddah ? Je compris bientôt, car le cheikh continua d’un ton pressant :
« Permets, Sidi, que ton serviteur devienne un delyl pendant le temps de son pèlerinage. »
L’aventure prenait un tour singulier.
« Pourquoi donc ? m’écriai-je.
— Je te le dirai quand tu m’auras promis de m’accorder ma demande.
— Je ne sais si je le puis : les delyl sont des espèces de fonctionnaires embrigadés et soumis à l’autorité, Halef ne serait plus libre si…
— Qui empêche que ton serviteur épouse une femme suivant la loi, la conduise à la Mecque puis la laisse libre comme devant ?
— Après tout, tu as raison, cheikh, ce n’est pas compromettant ; pour moi, je le lui permets volontiers : il n’est pas marié et c’est un homme libre ; mais informe-toi près de lui pour savoir s’il y consent. »
Rien n’était plus amusant que la figure du brave Halef ; il restait pétrifié d’étonnement.
« Veux-tu faire cela ? lui demanda le vieux chef.
— Je voudrais voir la jeune fille… » balbutia Halef tout étourdi, et cependant toujours positif.
Le cheikh sourit ; il reprit :
« Pourquoi veux-tu la voir ? Qu’elle soit vieille ou jeune, laide ou belle, que t’importe, puisque tu dois la rendre après le pèlerinage ?
— Est-elle donc comme les filles des Turcs, qui se couvrent le visage ?
— Non, les filles des Arabes n’ont pas besoin de se voiler ; puisque tu le désires, tu vas la voir. »
Sur un signe du chef, un des assistants se leva, quitta la tente, puis revint bientôt après, accompagné d’une jeune fille dont la ressemblance avec notre amazone était frappante ; elle ne pouvait être que la fille de cette dernière.