Nous longions le ruisseau de Tarfaoui, et nous arrivions à ces sables que chasse le vent du désert sur les roches nues ; dans cette poussière si fine, les moindres empreintes marquent parfaitement.
« Des cavaliers arabes viennent de passer, dit Halef avec indifférence.
— Descendons pour examiner ces traces. »
Le petit homme me regarda d’un air étonné.
« Sidi, c’est une chose inutile : des cavaliers ont passé, que t’importe ? Pourquoi veux-tu interroger leurs pas ?
— Il est toujours bon de savoir quelle sorte de gens on aura à rencontrer sur la route.
— Mais si tu t’avises d’étudier chaque empreinte sur le sable, nous n’arriverons jamais à Seddada ; que te font ces hommes qui sont devant nous ?
— J’ai voyagé dans des pays lointains, habités par beaucoup d’animaux féroces et où la vie est sans cesse menacée ; j’ai pris l’habitude d’étudier toutes les traces que je rencontre, pour savoir si je me trouverai, un peu plus loin, face à face avec un ami ou un ennemi. Comprends-tu, Halef ?
— Ici, Effendi, il n’y a point d’ennemis.
— Qui sait ? »
Je descendis de cheval et m’agenouillai à plusieurs reprises sur le sable ; les empreintes étaient celles de trois montures : un chameau et deux chevaux.
Un chameau de selle à en juger par la finesse du pied et la légèreté de l’empreinte. Après un examen attentif, je fus convaincu que l’un des chevaux devait avoir le pied malade. Cette circonstance m’étonna ; jamais, dans ces contrées, un cavalier ne monte une bête infirme. Le possesseur du cheval n’était point Arabe, ou, s’il l’était, il appartenait à la classe la plus pauvre.
Halef souriait de la peine qu’il me voyait prendre ; lorsque je relevai la tête il me cria :
« Eh bien ! Sidi, qu’as-tu vu ?
— Il y a deux chevaux et un chameau.
— Deux chevaux et un djemel ! Allah bénisse tes yeux ! J’en ai vu tout autant sans descendre de ma bête ! Tu veux faire le taleb (le savant), et tu fais des choses dont un ânier rirait. À quoi te servira le trésor de science que tu as ramassé là ?