— C’est vrai ; ils ont feint d’être musulmans ; ils connaissaient notre langue et nos usages.
— Tu vois donc, Halef, qu’on peut aller à la Mecque sans… »
Il me regarda avec inquiétude.
« Sidi, lu voudrais aller à la Mecque ?
— M’y conduirais-tu ?
— Non, Sidi, car il me faudrait, après ma mort, brûler au fond de la Djehenna.
— Me trahirais-tu, si tu savais que je me suis introduit dans la ville sainte ?
— Effendi, ne me fais pas de chagrin. Je devrais te dénoncer, et je ne le pourrais pas ! Je ne pourrais plus vivre si… »
L’Arabe disait ces mots avec une émotion profonde et touchante ; il eût été cruel de le tenter et de le tourmenter davantage.
« Halef, interrompis-je, m’aimes-tu ?
— Plus que moi-même, crois-moi, Sidi !
— Je te crois ! Combien de temps veux-tu encore voyager avec moi ?
— Tant que tu voudras ; avec toi j’irai aussi loin que la terre est grande, quoique tu sois un chrétien. Mais je te convertirai, tu le sais bien.
— Un soi-disant hadji me l’a tant répété !
— O Sidi, bientôt je serai véritablement un hadji. Voici Djeddah ; je vais visiter le tombeau d’Ève, puis j’irai à la Mecque, je m’arrêterai à Arafah, je me ferai raser à Minah et j’aurai accompli toutes les saintes pratiques. Voudrais-tu m’attendre à Djeddah ?
— Combien de temps te faut-il ?
— Sept jours.
— Ton pèlerinage-n’aura pas de valeur : il faut un mois au vrai croyant.
— Ne crois pas cela, Sidi ; sept jours me suffiront. Voilà la porte de la ville ; comment s’appelle-t-elle ?
— C’est la porte du nord, elle doit s’appeler Bab-el-Médina. Mais écoute : feras-tu ce que je te demanderai ?
— Oui ; car je sais que tu ne me commandes jamais rien qui soit défendu par ma loi.
— Ne dis à personne ici que je suis chrétien.
— J’obéirai ; seulement laisse-moi t’adresser aussi une prière :