— Abou Seïf m’a donc trompé ?
— Non, c’est moi qui l’ai trompé. J’ai feint de ne pouvoir remuer pour trouver le moyen d’aider mon bon Sidi. Depuis trois jours je ne bouge pas ; ils me croient incapable de me mouvoir ; ils m’ont laissé seul cette nuit, et me voilà.
— Mon brave Halef, je n’oublierai pas ce que tu fais pour moi.
— J’ai appris plusieurs choses importantes, Sidi.
— Quoi donc ?
— Àbou Seïf doit aborder près de Djeddah pour se rendre à la Mecque. Il veut aller demander au prophète la délivrance de son frère ; plusieurs de ses hommes l’accompagneront.
— Peut-être pourrons-nous alors nous échapper ?
— J’y veillerai, Sidi. C’est demain. Tes armes sont dans sa cabine, n’est-ce pas ?
— Oui. Tâche de venir me rejoindre demain, si nous sommes encore en vie.
— Je viendrai, Sidi.
— Tu t’exposes beaucoup.
— Non ; aujourd’hui il fait si noir et ils sont si occupés, que je ne cours aucun risque ; demain, Allah y pourvoira.
— Souffres-tu encore beaucoup de ta plaie ?
— Non, Sidi.
— Qu’est devenu le sambouk ? J’étais évanoui, je ne sais rien de ce qui s’est passé.
— Ils ont pillé tout l’argent, après avoir lié les hommes de l’équipage ; puis ils se sont éloignés en nous emmenant, parce que le capitaine voudrait t’échanger contre son frère.
— Comment sais-tu cela ?
— Je les ai entendus le dire entre eux.
— Et la barque ?
— Ils l’ont remorquée à l’arrière, elle pourra nous servir. Bonne nuit ! Sidi.
— Bonne nuit ! »
Il se retira, refermant doucement mon verrou, puis replaçant la barricade.
Cette visité m’avait tellement surpris et occupé, que j’en étais venu à oublier l’orage. Je m’aperçus, bientôt après, que la tourmente s’était brusquement apaisée ; quoique les mouvements du navire fussent encore assez violents, il me sembla, en regardant