— Si, je suis aussi habile qu’un djerrah (un chirurgien). J’ai visité sa plaie, je lui ai remis la jambe ; il est très content de mes soins.
— Je voudrais le voir.
— Non ; je te jure, par Allah et son Prophète, qu’il est en bonne voie de guérison ; cela doit te suffire. J’ai encore quelque chose à exiger de toi.
— Parle.
— D’abord, promets-moi de ne pas t’exposer à rendre mes hommes profanes par ton contact, car tu es chrétien.
— Je te le promets aisément.
— Tu as des amis chez les Anglais ?
— Oui.
— Ce sont des gens de marque ?
— Certainement ; il y a même des pachas parmi eux.
— Bien ! ils donneront pour toi une bonne rançon. »
Je compris : Abou Seïf me ménageait dans l’espoir de me rançonner.
« Combien demandes-tu pour ma liberté ? lui dis-je.
— Tu n’as pas sur toi assez d’argent pour te racheter toi-même. »
Il paraît que mon gousset avait été interrogé ; seulement ils n’avaient pu trouver l’argent cousu dans la manche droite de ma veste turque, car ils ne m’avaient point dépouillé de ce vêtement ; en tous cas, la somme gardée là n’aurait pas suffi à l’avidité des forbans ; je repris donc :
« Tu as raison ; je ne puis payer ma rançon, car je suis pauvre.
— Je le sais ; cependant tes armes sont belles et tu possèdes plusieurs instruments que je ne connais pas. Tu es un homme distingué.
— A ton avis.
— Un homme de renom.
— Vraiment !
— Mais oui, tu l’as dit sur le sambouk.
— Je plaisantais.
— Non, non, tu parlais sérieusement ; d’ailleurs un homme aussi adroit en escrime ne peut être qu’un officier supérieur, un grand zabit. Ton padischah fournirait au besoin ta rançon.
— Mon roi ne me rachèterait pas avec de l’argent ; il s’y prendrait autrement pour me tirer de tes mains.