« La ilah illa Allah !
— Illa lah ! » répondirent les autres en chœur.
Le fakir s’approcha alors du sambouk, y accosta sa barque et monta lestement à bord.
Nous ne nous trouvions pas seuls sur le sambouk, le pilote nous avait suivis ; il s’avança vers le derviche et le salua en ces termes :
« Dieu te protège !
— Moi et toi. À qui appartient le sambouk ?
— À Sa Hautesse le Grand Seigneur, le favori d’Allah !
— Et qui conduit le navire ?
— Notre Effendi, le mergi-bachi Mourad Ibrahim.
— Quel chargement avez-vous ?
— Nous n’en avons aucun ; nous parcourons les côtes pour recueillir l’impôt que le grand chérif de la Mecque a levé.
— Le paye-t-on de bonne volonté ?
— Personne ne s’y est refusé ; ce qu’on donne en aumône, Allah le rend en double.
— En quittant ce port, où irez-vous ?
— A Tor.
— Y serez-vous demain ?
— Nous nous arrêterons d’abord au ras Nayazat. Et toi, où vas-tu ?
— A Djedda.
— Sur ce radeau ?
— Oui, car j’ai fait vœu de me rendre à la Mecque sur mes genoux.
— Mais tu ne songes donc pas aux mauvais vents, aux tempêtes, aux écueils, aux requins ?… Ton petit radeau n’y pourra résister !
— Allah est puissant, il me protégera. Qui sont ces hommes ?
— C’est un gi…, un Nemsi, avec son serviteur.
— Un infidèle ! Et où va-t-il ?
— A Tor.
— Permets-moi de manger mes dattes ici, puis je reprendrai mes rames.
— Ne veux-tu pas passer la nuit avec nous ?
— Non, il me faut partir.
— La nuit il y a danger.