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les pirates de la mer rouge

— Comment entends-tu payer ? En argent ou autrement ?

— En argent comptant.

— Faudra-t-il fournir ta nourriture ?

— Non, nous ne vous demandons que de l’eau.

— En ce cas, tu donneras pour toi dix misri ; et pour ce hadji Halef, huit. »

Je ris au nez du bonhomme ; il me demandait presque cent trente francs pour une traversée de quelques heures.

« Tu iras demain passer la nuit dans le golfe de Nayazat, n’est-ce pas ? lui dis-je, et le lendemain nous serons à Tor avant midi.

— Oui ; pourquoi demandes-tu cela ?

— Parce que je ne veux pas payer un tel prix pour une si courte traversée.

— Eh bien, tu resteras ici, en attendant un autre bateau, qui te demandera encore davantage.

— Point du tout, tu vas me prendre à bord.

— Donne-moi la somme que je t’ai dit.

— Ecoute : ces hommes m’ont loué leurs montures et m’ont accompagné à pied depuis el Kahira pour quinze francs ; à Hadj, on passe sur mer un pèlerin pour moins de deux francs ; je t’offre, pour moi et mon domestique, onze francs ; c’est assez.

— Reste donc ici ; mon sambouk n’est point un bateau de passage, il appartient au Grand Seigneur ; je suis envoyé pour toucher la zekka[1], et ne dois recevoir aucun passager à bord.

— Et cependant, si je te donnais dix misri, tu me prendrais ! C’est justement parce que ton vaisseau appartient au Grand Seigneur que tu dois m’accueillir. Lis le bouyouroultou ; vois-tu ces mots : « Lep indad, etc., tout secours doit lui être donné, et l’on pourvoira à sa sûreté sans exiger le moindre salaire ? » Comprends-tu ? Je serais obligé de payer sur un bâtiment particulier, sur ceux de l’Etat je jouis de la franchise. Je t’offre de mon plein gré onze francs. Si tu n’es pas content, tu n’auras rien du tout, et je passerai tout de même avec toi. »

Se voyant poussé dans ses retranchements, notre homme rabaissa petit à petit son prix. Après de longs débats, nous demeurâmes d’accord.

  1. Impôt uniquement destiné aux aumônes officielles.