— Comme reïs, propriétaire de la dahabïe, c’est moi qui suis soumis à la loi.
— J’ai loué ton vaisseau… »
En ce moment Isla vint nous rejoindre.
« Kara ben Nemsi, s’écria-t-il, tu es mon ami, le meilleur de mes amis ! Laisse-moi te raconter comment Sénitza est tombée dans les mains de cet Égyptien.
— Je t’écouterais volontiers si j’avais l’esprit assez libre pour cela, mais en ce moment nous devons songer à autre chose.
— Tu sembles inquiet, Kara, qu’y a-t-il donc ?
— Retourne-toi et regarde. »
Le jeune homme pâlit.
« Abrahim est à bord ? demanda-t-il.
— Je ne sais, mais il n’y aurait rien d’impossible à cela, car Hassan assure que le capitaine du sandal est homme à se vendre. »
Le vieil Hassan confirma mes paroles par un signe de tête.
« Qu’allons-nous devenir ? soupira le jeune négociant ; que faire ?
— Attendons d’abord, pour être sûrs qu’Abrahim monte le sandal. »
Notre pilote réglait sa marche d’après celle de la petite embarcation ; celle-ci nous épiait de même : c’était visible.
« Comme il se rapproche ! murmura Hassan. Je vais faire ajouter une tikehla[1]. »
Nous prîmes un peu d’avance, mais je remarquai bientôt que ce moyen était insuffisant. Le sandal se rapprochait toujours ; il n’y eut bientôt plus entre nous que la longueur d’une barque. Alors les Égyptiens baissèrent toutes leurs voiles pour ralentir la poussée, et nous reconnûmes Abrahim Mamour debout sur le pont.
« C’est lui ! s’écria Isla avec terreur.
— Lequel ? demanda Hassan.
— Celui-là, le premier en avant.
— Kara ben Nemsi ? que faire ? Ils vont nous parler, et il faut leur répondre.
— Qui doit répondre, d’après la loi ?
— Le propriétaire du bâtiment.
- ↑ Petite voile.