« Dépêchez-vous, cria-t-il, l’escalier est tendu ! »
Nous montâmes à la hâte ; le canot fut solidement attaché à l’arrière, on lâcha les cordes, les voiles se déployèrent, et notre petit vaisseau, tournant vers le large, s’engagea au milieu du courant que nous voulions descendre.
« Eh bien ! me demanda Hassan, la chose est faite ?
— Oui, je te raconterai tout ; dis-moi seulement si un sandal lutterait de vitesse avec toi ?
— Sommes-nous poursuivis ?
— Je ne le crois pas, cependant cela pourrait arriver.
— Ma dahabïe est excellente, mais un bon sandal l’atteindrait à la course.
— Espérons qu’il n’en sera pas ainsi ! »
Après avoir raconté sommairement au vieux capitaine les différentes péripéties de notre entreprise, je descendis dans la cabine pour changer d’habits. Nous avions fait diviser cette cabine en deux ; Sénitza en occupait une partie, nous nous contentions de l’autre pour isla, Hassan et moi.
Deux heures se passèrent ; j’étais remonté sur le pont ; tout à coup j’aperçus vis-à-vis de nous l’extrémité d’une voile. Ce point lointain grossissait rapidement ; lorsque la proue fut visible, je reconnus le sandal déjà rencontré.
« Regarde ! dis-je à notre vieil Abou el Reïsan.
— Allah est grand ! et ta question aussi ! Moi, un vieux reïs, je n’apercevais pas cette voile si près.
— C’est peut-être l’embarcation du khédive ?
— Non ! je connais ce sandal ; je le connais trop, il appartient au reïs Khalid ben Mustapha.
— Et tu connais ce reïs ?
— Oui, mais nous ne sommes point amis.
— Pourquoi ?
— Parce qu’un honnête homme ne fraye point avec un homme taré.
— Il se pourrait que cet homme ait pris Abrahim Mamour à son bord…; qu’en dis-tu ?
— Nous allons voir.
— Et si le sandal voulait accoster la dahabïe, que ferais-tu ?
— La loi est là, je ne pourrais m’y opposer.
— Mais si je m’y opposais, moi ?