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MOMENT DE VERTIGE

pour les nécessités de la vie et son contact avec le côté épineux de l’existence, tout cela semblait l’avoir mûrie et lui changeait l’expression. Très jolie à vingt ans, à vingt-deux, on la trouvait délicieusement belle et attirante… Mais elle ne semblait plus la même Marthe dont la figure charmante et spirituelle reflétait le bonheur de vivre, celle-ci connaissait la souffrance, sa distinction et sa fierté natives avaient eu à subir mille heurts à cause de son manque de fortune, cette Marthe nouvelle restait fière et indépendante mais gardait à son insu quelque chose d’amer et de triste qui perçait malgré le sourire de ses lèvres et la verve spontanée de ses reparties.

Cette transformation morale, la jeune fille la croyait cependant plus complète qu’elle ne l’était réellement. Tout au fond de son cœur on retrouvait la même nature droite et généreuse incapable d’une bassesse ou d’un mouvement égoïste, la même nature impulsive ; ses illusions pour être émoussées ne pouvaient être détruites ; elles persistaient vivantes mais secrètes, se cachant dans ce grand désir de bonheur qui la hantait toujours.

Son amitié pour Irène ne s’amoindrissait pas et quoique très entourée et invitée, elle revenait toujours chez celle-ci plus volontiers qu’ailleurs.

André Laurent, de retour à Montréal après une longue absence, devint un des habitués de ce salon élégant et hospitalier.