où il occupait, avec un jeune canadien de Toronto, un petit bungalow à quelques pas de la grande hutte qui servait d’abri aux bûcherons.
Le chemin traversait une forêt qui faisait partie des vastes limites de cette puissante compagnie. Pierre marchait lestement, foulant aux pieds les feuilles mortes. Il n’en restait plus dans les arbres dénudés, mais quelques-unes tourbillonnaient encore, soulevées de terre et balayées par les rafales du vent d’automne. Dans l’air presque glacé, on sentait comme un présage de neige.
— Quand donc, se disait le marcheur, cette saison va-t-elle cesser de m’être pénible ? Jamais, sans doute ! Je voudrais bien pouvoir oublier… pouvoir dire, avec le poète :
« Le mal dont j’ai souffert s’est enfui comme un rêve »…
En lisant, hier soir, les vers de Musset qui commencent ainsi, je me suis dit que Musset avait vécu dans un autre temps… Ses grandes pensées, si belles à lire, ne peuvent plus nous satisfaire « le mal dont j’ai souffert » il est vivant, tenace ! C’est ce mal qui a fait de moi un homme amer, désabusé, ce mal qui a ridé mon front et blanchi ma chevelure… moi qui n’ai que trente ans ! Pourquoi n’ai-je pas pu faire la guerre ? Une balle allemande eut été infiniment moins cruelle que les blessures de l’injustice !
Tout en monologuant ainsi, Pierre continuait sa