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EN FUITE

il lui restait deux faits saillants, deux sentiments profonds : la haine de l’Iroquois à cause de la cruelle amputation de son bras d’enfant ; le passage du missionnaire dans son wigwam du village natal et son geste d’ineffable bonté en posant sa main guérissante sur la plaie douloureuse de son bras. La figure de la Robe-Noire lui demeurait vivante, il la revoyait trait par trait ; ce visage imberbe, suave, mystique, lui apparaissait parfois en songe ; et, dans ses projets d’avenir, il rêvait de revoir un jour ce prêtre, de devenir son disciple, son ami… de lui dire qu’il n’avait pas oublié ! Souvent, il en parlait lorsque la famille se réunissait autour du feu, durant les longues soirées de l’automne et de l’hiver ; Sconoton, douteux, hochait la tête :

— Tu ne le reverras sans doute jamais, Amiscou ; les Iroquois font une guerre acharnée aux Robes-Noires ; ils ne veulent pas du Manitou des Blancs !

— Moi, je voudrais le connaître, disait Toca ; on en raconte des choses extraordinaires.

L’Indienne se plaisait alors à redire à la famille les faits qu’elle avait appris au sujet de ces Visages-Pâles, qui prêchaient une doctrine si nouvelle… un Dieu si puissant…

Le wigwam de Cerf-Agile était tout à fait isolé ; son voisinage, très rapproché de la frontière et marquant les limites du terrain des Neutres, l’exposait parfois aux incursions de