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l’aiglon blanc des illinois

petit Pierre, fit coucher Francine, et s’assit auprès d’eux, égrenant fiévreusement son chapelet. Ce ne fut qu’à la nuit qu’elle entendit frapper :

« C’est moi, femme ; ouvre, c’est moi, Nicolas !

— Enfin », s’écria Marguerite, se précipitant vers la porte.

Le mari entra sans prononcer une parole, remit le verrou sur la porte, regarda tristement sa femme et ouvrit les bras… celle-ci comprit et s’y jeta en sanglotant…

Les recherches se poursuivirent pendant longtemps ; on ne put jamais découvrir le moindre indice du passage de l’Indien ; il s’était sans doute caché dans les broussailles, avait dû se hisser jusqu’à la fenêtre ouverte et entrer dans la chambre à coucher, puis, profitant du moment où la mère s’était élancée dehors, au cri de Francine, il avait pu saisir sa proie et s’enfuir par la même fenêtre ; celle-ci donnait sur le petit potager, à l’arrière de la maison ; le ravisseur avait dû filer par là et en moins de trois minutes, il avait pu gagner le grand bois, si peu éloigné de ce côté du logis…

La désolation des parents fut extrême ; mais Marguerite était courageuse ; son âme de croyante et de Bretonne lui fit bravement accepter la vie, pour soutenir son mari, qui se montrait stoïque, et aussi pour le bonheur de son foyer ; Francine et Pierre ne devaient pas souffrir…

Les mois passèrent sans apporter de changement à la situation ; les parents avaient repris leurs occupations ; Francine grandissait, le bébé apprenait à marcher, à parler. Nicolas se livrait à son rude travail de défricheur ; on ne l’entendait pas se plaindre, mais sa forte chevelure était déjà striée de fils d’argent ; il ne chantait plus, comme autrefois, à l’ouvrage, et Marguerite avait perdu le gai visage où rayonnaient sa jeunesse et son bonheur…

Chaque soir, en embrassant le petit Pierre, elle lui faisait joindre ses menottes roses et balbutier :

« Jésus Dieu, ramenez-nous mon frérot ! »

Et Francine, à genoux, répétait la même prière.