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l’aiglon blanc des illinois

L’Aiglon, cependant, aurait bien désiré parler au prêtre ! Il se faisait, dans l’esprit du jeune homme, un travail qui le rendait nerveux et mécontent de lui-même. Un atavisme inconscient le portait à des aspirations autres que celles des jeunes Indiens de son âge. L’approche de la fin de ses années d’exil le faisait réfléchir… Qu’allait-il faire alors ? Quitter les Onéidas ? Bien sûr ! Mais où irait-il ? Son désir le portait vers le fort Saint-Louis, où il revoyait par la pensée la rude et bonne figure de Nika, le visage sérieux de La Salle, le front songeur de Tonty et le sourire paternel du père Membré… Mais où étaient-ils, ceux-là, maintenant ? Durant ces longues années, personne, dans ce bourg iroquois, n’avait pu lui en donner des nouvelles, sauf, tout dernièrement, un jeune Miami, de passage, qui lui avait appris que la colonie était presque déserte, que les chefs français étaient tous partis avec leur guide depuis déjà longtemps ! Alors, inutile d’y songer. Retourner à la lointaine hutte paternelle ? Après cette longue absence, existait-elle encore ?

Les quelques mois vécus dans le fort, avec les Français, avaient laissé en lui un sentiment qu’il se reprochait amèrement comme un manque de loyauté envers sa race : il n’éprouvait plus de fierté d’être un Illinois ! Il avait senti naître en lui un regret inavoué de ne pas appartenir à la race blanche ! Durant son adolescence, les enseignements paternels avaient inculqué en lui l’idée de la supériorité de sa nation : « Les Peaux-Rouges, les Illinois surtout, étaient la race par excellence, les autres, des races inférieures ! » Mais l’expérience lui avait démontré le contraire ; il n’en parlait à personne, mais il se sentait d’une nature différente de celle des Peaux-Rouges ; leur cruauté le révoltait, leur fourberie lui semblait méprisable…

Quant à ce qui concernait l’Aigle lui-même, le jeune homme vénérait sa mémoire, mais il ne trouvait dans son cœur, pour La Taupine, qu’un faible souvenir affectueux… Et s’il songeait parfois au bonheur conjugal, c’était pour rêver d’une femme blanche qui ne ressemblerait aucune-