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Essais de sociologie


Deux mots pour conclure, d’un point de vue psychologique, ou si l’on veut, d’interpsychologie.

Nous venons de le démontrer : une catégorie considérable d’expressions orales de sentiments et d’émotions n’a rien que de collectif, dans un nombre très grand de populations, répandues sur tout un continent. Disons tout de suite que ce caractère collectif ne nuit en rien à l’intensité des sentiments, bien au contraire. Rappelons les tas sur le mort que forment les Warramunga, les Kaitish, les Arunta.

Mais toutes ces expressions collectives, simultanées, à valeur morale et à force obligatoire des sentiments de l’individu et du groupe, ce sont plus que de simples manifestations, ce sont des signes, des expressions comprises, bref, un langage. Ces cris, ce sont comme des phrases et des mots. Il faut dire, mais s’il faut les dire c’est parce que tout le groupe les comprend.

On fait donc plus que de manifester ses sentiments, on les manifeste aux autres, puisqu’il faut les leur manifester. On se les manifeste à soi en les exprimant aux autres et pour le compte des autres.

C’est essentiellement une symbolique.


Ici nous rejoignons les très belles et très curieuses théories que M. Head, M. Mourgue, et les psychologues les plus avertis nous proposent des fonctions naturellement symboliques de l’esprit.

Et nous avons un terrain, des faits, sur lesquels psychologues, physiologues, et sociologues peuvent et doivent se rencontrer.