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La sociologie : objet et méthode
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Ainsi, tout en se ralliant étroitement aux sciences qui l’ont précédée, tout en s’appropriant leurs résultats, la sociologie transforme leurs classifications. Il est à remarquer d’ailleurs que les diverses sciences sociales ont toutes tendu, dans les dernières années, à se rapprocher progressivement de la sociologie ; de plus en plus elles deviennent des parties spéciales d’une science unique. Seulement, comme celle-ci se constitue à l’état de véritable science, avec une méthode consciente, elle change profondément l’esprit même de la recherche, et peut conduire à des résultats nouveaux. Aussi, bien que de nombreux résultats puissent être conservés, chaque partie de la sociologie ne peut pas coïncider exactement avec les diverses sciences sociales existantes. D’elles-mêmes, elles se transforment, et l’introduction de la méthode sociologique a déjà changé et changera la manière d’étudier les phénomènes sociaux.

Les phénomènes sociaux se divisent en deux grands ordres. D’une part, il y a les groupes et leurs structures. Il y a donc une partie spéciale de la sociologie qui peut étudier les groupes, le nombre des individus qui les composent et les diverses façons dont ils sont disposés dans l’espace : c’est la morphologie sociale. D’autre part, il y a les faits sociaux qui se passent dans ces groupes : les institutions ou les représentations collectives. Celles-ci constituent, à véritablement parler, les grandes fonctions de la vie sociale. Chacune de ces fonctions, religieuse, juridique, économique, esthétique, etc., doit être d’abord étudiée à part et faire l’objet d’une série de recherches relativement indépendantes. De ce point de vue, il y a donc une sociologie religieuse, une sociologie morale et juridique, une sociologie technologique, etc. Ensuite, étant données toutes ces études spéciales, il serait possible de constituer une dernière partie de la sociologie, la sociologie générale, qui aurait pour objet de rechercher ce qui fait l’unité de tous les phénomènes sociaux.