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De quelques formes primitives de classification
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leur propre et se trouve placée sous l’influence prépondérante d’un animal déterminé, qui symbolise, en même temps, les éléments, les pouvoirs et les moments de la durée. Nous n’avons, il est vrai, aucun moyen de prouver péremptoirement que ces animaux aient jamais été des totems. Quelque importance que les clans aient conservée en Chine et bien qu’ils présentent encore le caractère distinctif des clans les plus proprement totémiques, à savoir l’exogamie, il ne semble pourtant pas qu’ils aient autre fois porté les noms usités dans la dénomination des régions ou des heures. Mais il est tout au moins curieux qu’au Siam, d’après un auteur contemporain[1], il y aurait interdiction de mariage entre gens d’une même année et d’un même animal, alors même que cette année appartient à deux duodécades différentes ; c’est-à-dire que le rapport soutenu par les individus avec l’animal auquel ils ressortissent agit sur les relations conjugales exactement comme le rapport qu’ils soutiennent, dans d’autres sociétés, avec leurs totems. D’autre part, nous savons qu’en Chine, l’horoscope, la considération des huit caractères joue un rôle considérable dans la consultation des devins préalable à toute entrevue matrimoniale. Il est vrai qu’aucun des auteurs que nous avons consultés ne mentionne comme légalement interdit un mariage entre deux individus d’une même année ou de deux années de même nom. Il est probable pourtant qu’un tel mariage doit être réputé comme particulièrement inauspicieux. En tout cas, si nous n’avons pas en Chine cette sorte d’exogamie entre gens nés sous un même animal, il ne laisse pas d’y avoir entre eux, à un autre point de vue, une relation quasi familiale. M. Doolittle, en effet, nous apprend que chaque individu est réputé appartenir à un animal déterminé, et tous ceux qui appartiennent à un même animal ne peuvent pas assister à l’enterrement les uns des autres.

La Chine n’est pas, d’ailleurs, le seul pays civilisé où nous retrouvions tout au moins des traces de classification qui

  1. Young, The Kingdom of the Yellow Robe, 1896, p. 92. Les autres auteurs ne mentionnent que la consultation des devins et la considération des cycles. Ce cycle semble avoir eu une histoire assez compliquée. — Au Cambodge, le cycle est employé comme en Chine. Mais ni les auteurs ni les codes ne parlent d’interdictions matrimoniales relatives à ce cycle. Il est donc probable qu’il y a là tout simplement une croyance d’origine exclusivement divinatoire et d’autant plus populaire que la divination chinoise est plus en usage dans ces sociétés.