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De quelques formes primitives de classification
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Le troisième sous-clan est celui de l’aigle ; il comprend d’abord trois espèces d’aigles ; et une quatrième section ne paraît pas se rapporter à un ordre de choses déterminé ; elle est intitulée « les travailleurs ».

Enfin le quatrième sous-clan est celui de la tortue. Il est en rapports avec le brouillard que ses membres ont le pouvoir d’arrêter[1]. Sous le genre tortue se trouvent subsumées quatre espèces particulières du même animal.

Comme on est fondé à croire que ce cas n’a pas été unique, que bien d’autres clans ont dû présenter de semblables divisions et subdivisions, on peut supposer sans témérité que le système de classification, encore observable chez les Omahas, a eu autrefois une complexité plus grande qu’aujourd’hui. Or, à côté de cette répartition des choses, analogue à celle que nous avons constatée en Australie, on voit apparaître, mais sous une forme rudimentaire, les notions d’orientation.

Lorsque la tribu campe, le campement affecte une forme circulaire ; or, à l’intérieur de ce cercle, chaque groupe particulier a un emplacement déterminé. Les deux phratries sont respectivement à droite et à gauche de la route suivie par la tribu, le point de départ servant de point de repère. À l’intérieur du demi-cercle occupé par chaque phratrie, les clans, à leur tour, sont nettement localisés les uns par rapport aux autres et il en est de même des sous-clans. Les places qui leur sont attribuées dépendent moins de leur parenté que de leurs fonctions sociales, et, par conséquent, de la nature des choses placées sous leur dépendance et sur lesquelles est censée s’exercer leur activité. Ainsi, il y a, dans chaque phratrie, un clan qui soutient des rapports spéciaux avec le tonnerre et avec la guerre ; l’un est le clan de l’élan, le second est celui des ictasandas. Or ils sont placés l’un en face de l’autre à l’entrée du camp, dont ils ont la garde, d’ailleurs plus rituelle que réelle, c’est par rapport à eux que les autres clans sont disposés toujours d’après le même principe. Les choses se trouvent donc situées, de cette manière, à l’intérieur du camp, en même temps que les groupes sociaux auxquels elles sont attribuées. L’espace est partagé entre les clans et entre

  1. Le brouillard est, sans doute, représenté sous la forme d’une tortue. On sait que chez les Iroquois le brouillard et la tempête relevaient du clan du lièvre. Cf. Frazer, « Origin of Totemism », Fortnightly Review, 1899, p. 847.