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Parentés à plaisanteries
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que prennent à l’égard l’un de l’autre neveu et oncle utérins ; le neveu ayant un droit, extraordinaire mais normal, d’être, malgré son âge, l’intermédiaire obligé des négociations matrimoniales de son oncle : car on peut lui parler et, étant de leur clan, il peut approcher les parents de la fille. La sœur de père a également une position remarquable vis-à-vis de son neveu ; elle est fort libre avec lui.

Ces institutions sont depuis longtemps connues en Nouvelle-Calédonie. Le père Lambert a bien décrit, comme tous les premiers auteurs, les tabous de la sœur, si évidents et si importants qu’ils ont servi de point de départ, pour toute une théorie, à un autre observateur, Atkinson ; le frère aîné, le beau-père sont moins respectés, mais incomparablement plus qu’ailleurs. En regard, le père Lambert a bien montré quels extraordinaires droits de pillages, quelles extravagantes brimades se permettent, les uns par rapport aux autres, les cousins croisés, les bengam ou pe bengam. Une sorte de contrat perpétuel les unit et les entraîne à des privilèges absolus les uns sur les autres, où des rivalités naissent et croissent, où des plaisanteries sans fin marquent leurs licences les uns à l’égard des autres, leur intimité et leurs contestations illimitées. Le neveu utérin et l’oncle utérin se traitent de la même façon[1] ; mais, à la différence des gens des îles Banks et du reste de la Mélanésie, Fiji compris, le neveu utérin a moins de droits que l’oncle de même ligne.


II

Il est un peu tôt pour donner une explication de ces règles. Ces faits sont relativement mal connus et peu nombreux ; mais il est possible d’indiquer dans quelle voie il y a lieu de leur chercher des raisons d’être plausibles.

D’abord, ces institutions ont une fonction fort claire. M. Radin l’a bien vue. Elles expriment un état sentimental psychologiquement défini : le besoin de détente ; un laisser-aller qui repose d’une tenue par trop compassée. Un rythme s’établit qui fait se succéder sans danger des états d’âme contraires. La retenue,

  1. M. Leenhardt parlera en détail des faits de ce genre qu’il a observés en Nouvelle-Calédonie. Et nous savons que ces détails seront importants.