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La cohésion sociale dans les sociétés polysegmentaires
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rappelle que Durkheim a toujours pensé, dès le début de ses recherches, que la solution du problème de l’individualisme et du socialisme consistait à établir entre l’anarchie individualiste et le pouvoir écrasant de l’État, une force intermédiaire, le groupe professionnel. Ce groupement naturel prenant la place des grandes familles dont nous venons de parler, et même du groupe familial qui a été se décomposant jusqu’à ne plus consister que dans la famille conjugale.

Je ne crois pas, par conséquent, être infidèle à la pensée de Durkheim en vous proposant : d’abord d’atténuer les idées courantes concernant l’amorphisme originaire des sociétés ; et ensuite de compliquer au contraire les idées concernant la nécessité d’harmoniser de plus en plus nos sociétés modernes. Il y faut créer nombre de sous-groupes, en renforcer constamment d’autres, professionnels en particulier, inexistants ou insuffisamment existants ; on doit les laisser enfin s’ajuster les uns aux autres, naturellement, si possible, sous l’autorité de l’État en cas de besoin, à sa connaissance et sous son contrôle, en tout cas.