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Essais de sociologie

se divisent en périodes blanches et noires, froides et chaudes.

Cette notion de paix, qu’autrefois les historiens du droit (Wilda, etc.) ont très bien étudiée dans le droit germanique parce qu’elle y est tout à fait évidente et même dans la morale (zufriede), a été très négligée ; elle est devenue peu claire, surtout celle de la paix civile. Reprenons des documents que peu de jeunes gens connaissent, par exemple ce beau monument de l’histoire et de la pensée française : la République de Bodin. Ce juriste fut, je le crois d’ailleurs, comme les autres juristes des derniers Valois, de l’époque des guerres de religion, de la guerre civile, le théoricien de la paix et en particulier de la paix du roi. À ce moment-là, on gardait cette notion importante proche de l’esprit tandis que maintenant — sans faire de reproches aux collèges et facultés qui nous entourent —, disons qu’ils s’exténuent autour des idées de souveraineté, au lieu de spéculer sur cette notion de la paix et de la vie harmonieuse de l’État et des sous-groupes.

Concluons sur ce dernier groupe de faits : la paix entre les sous-groupes. Soulever cette question à propos des sociétés archaïques n’est pas inutile à la compréhension de nos sociétés à nous, et même nous permet peut-être — ce que nous permettons rarement — de proposer des conclusions de morale politique.

Cette question de l’harmonie normale des sexes, des âges et des générations, et des divers sous-groupes (clans, castes, classes confréries, etc.), les uns par rapport aux autres, cette question de l’harmonie intérieure à chacun d’eux et du rapport de ces harmonies diverses à l’harmonie générale et à la morale normale de la société, cette question est disparue de l’horizon sociologique. Or il faut la remettre au premier plan de l’étude et de la discussion.

Voici comment on pourrait l’entamer. En dehors des conclusions d’ethnographe que j’ai pu indiquer sur la façon d’étudier, dans une vie tribale déterminée et en distinguant fortement les diverses sociétés les unes des autres — par exemple les sociétés malgaches des sociétés africaines — sur ce point, je crois que nous, sociologues, avons maintenant, si vous suivez les quelques indications qui viennent de vous être données, d’une part le moyen de poser à nouveau les problèmes du passé et d’autre part une façon de dépasser les problèmes du présent. Cette vue de la nécessité des sous-groupes entrecroisés s’applique à nos sociétés. Je vous