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La cohésion sociale
dans les sociétés
polysegmentaires
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La question posée est de celles où il est très difficile de se mettre d’accord avec soi-même.

Il fallait trouver, pour les ethnographes, une méthode d’observation qu’on puisse leur indiquer désormais, qui leur permette d’analyser sur place les phénomènes généraux de la vie collective. Il s’agissait de dresser le plan de ce qu’on appelle, en général, la sociologie générale, celle d’une société définie et non pas de toute société possible.

Cette rubrique : phénomènes généraux de la vie sociale, est elle-même difficile à préciser.

Elle couvre d’abord un nombre considérable de faits qui sont déjà étudiés de façon littéraire par la vieille « psychologie sociale » à la façon de Taine. On distingue le caractère social, la mentalité, la moralité, la cruauté, etc., toutes sortes de notions qui ne sont pas définies, mais que tout le monde applique assez bien. Il ne s’agit donc ici rigoureusement que de transformer la sociologie inconsciente en une sociologie consciente suivant la formule que Simiand a opposée autrefois à celles de M. Seignobos. Pour une ethnologie complète il fallait absolument trouver les moyens d’exposer ces choses systématiquement, sans littérature, et je vais parler simplement de l’une des questions qui se sont posées ainsi.

Il y avait une nécessité absolue à la traiter. Les sociétés que nous étudions et que nos ethnographes auront à observer, dans les colonies françaises en particulier, sont toutes d’un type tel

  1. Communication présentée à l’Institut français de sociologie. Extrait du Bulletin de l’Institut français de sociologie, 1, 1931.