Page:Mauss - Essais de sociologie, 1971.pdf/128

Cette page a été validée par deux contributeurs.
126
Essais de sociologie

quée entre les sexes qu’elle ne l’est chez nous. Nous sommes sûr de cette affirmation, quoique l’étude sociologique de la partie féminine de l’humanité tout entière n’ait pas encore été approfondie d’une façon suffisamment grande et suffisamment spécifique.

La division par âge est non moins tranchée :

1. De un à trois ans l’enfant indigène se sépare très lentement de sa mère. Presque partout il est très longtemps avant d’être sevré, à deux et même trois ans. Il est longuement porté. La marche, la station debout, et même la résupination indépendantes ne s’acquièrent ainsi que tardivement. L’intimité physiologique de la mère et de l’enfant est beaucoup plus forte et plus longue que chez nous. La façon dont on porte l’enfant et dont il s’accroche et s’équilibre, souvent à même la peau de sa mère, créent, dès leur très bas âge, une vraie et durable symbiose.

2. De trois à sept ans, dates variant suivant les sociétés dans de très faibles limites, les enfants des deux sexes à l’intérieur et à l’extérieur de la famille sont plus mêlés qu’ils ne le seront jamais de leur vie. Les tabous de la vie sexuelle ne les séparent pas, quoiqu’ils commencent à les connaître ; les jeux se divisent encore mal, sauf ceux qui miment les occupations sérieuses. Très souvent les garçons impubères, relégués dans la société des femmes, sont supposés avoir une nature encore féminine. Les fillettes sont un peu plus en avance et commencent tôt à se rendre utiles dans de toutes petites choses. Cependant, des deux côtés, l’activité prédominante est une activité de jeux ; même sérieux, les actes de l’enfant sont faits pour s’amuser ou s’imposer. En général, ce sont les événements des âges suivants qui ont pour but de séparer les sexes, presque encore plus que d’enseigner à chaque sexe les occupations qui lui reviennent. Le temps qui succède, après sept ans, est consacré à l’instruction proprement dite.


a) Éducation générale : Un autre point par lequel ces sociétés ne ressemblent pas trop aux nôtres : le travail commence très tôt, mais, en général, assez doucement. Le travail précoce appartient à un autre niveau de vie humaine, près du nôtre. Les pays où on exploite l’enfance et l’a très anciennement asservie, ce sont ceux des grandes civilisations qui nous entourent, en Afrique, en Asie ou en Insulinde (au Maroc enfants qui assistent leurs