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Essais de sociologie

dans nos sociétés à nous avec la division par âges. Un patriarche noir, par exemple, peut avoir, surtout dans le cas des familles riches et polygamiques, des petits-enfants beaucoup plus vieux que ses derniers enfants. Mais cette division des générations peut recouper la division par âges, surtout dans le cas de familles aristocratiques, et nous la trouvons, par exemple dans certaines populations américaines du Nord-Ouest, surtout dans le cas où se transmettent des privilèges de classes sociales à l’intérieur de la société des hommes.

d) Dans ces « sociétés des hommes » elles-mêmes peuvent se constituer, et très souvent se forment des sociétés, des confréries secrètes (Mélanésie, Afrique noire, Afrique occidentale surtout, Nord Amérique, plus rarement en Malaisie et en Polynésie). Ces sociétés ont d’ordinaire des rangs multiples ; on y progresse plus ou moins à la fois, suivant les générations, les âges, et aussi les classes sociales, quelquefois sans trop de considération pour les clans, etc. Or, elles sont non seulement les auxiliaires, mais souvent les dépositrices du pouvoir tribal et même intertribal, agissant quelquefois à très longue distance. Elles peuvent servir et même dominer la chefferie et même la royauté (exemple : Tahiti). Elles sont toujours munies de force d’exécution (elles sont souvent chargées de la justice criminelle, elle-même souvent exercée en secret). Toutes ont un prestige religieux, sont le siège des cultes les plus importants, se manifestent dans le culte public en particulier. Ces formations tertiaires jouent donc un rôle considérable et assurent la solidité sociale d’une façon très efficace. De plus, on trouve des sociétés secrètes de femmes, au moins en Afrique noire, au moins en Guinée et en Bénin. Elles sont mal connues. C’est une lacune à combler dans nos observations.

e) Si à toutes ces organisations spéciales, secondaires et tertiaires on ajoute encore les classes sociales (Polynésie, Madagascar, un assez grand nombre de sociétés africaines), formant souvent des castes par confusion des métiers et des classes avec les clans et les tribus (Polynésie, Fiji : charpentiers ; Afrique occidentale : forgerons). Si on ajoute les chefferies, les cours royales et souvent de véritables féodalités, les unes administratives (Dahomey), les autres à la fois administratives et héréditaires (Congo, Loango) ; si, presque partout, on considère en opposition à elles, les assemblées du peuple (par exemple à Tananarive, en