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Fragment d’un plan de sociologie descriptive
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des Mongols et des Huns qui purent être présents à la fois, en même temps, aux confins de la Caspienne et du Danube, et aux confins de la Corée. Elles peuvent être dominées par des pirates, par exemple les Malais établis aux Philippines ou en Nouvelle-Guinée. Elles peuvent admettre des dynasties allogènes comme par exemple celles des Haoussa, qui se sont installés, un peu partout à l’est et à l’ouest du Niger et de la Benoué, ou comme celles qui ont pu se transformer en administrateurs : telle la tribu régnante que sont les Hovas dans tout Madagascar, y compris chez les Sakalaves, ces anciens Bantou.

Enfin, un très grand nombre de sociétés de nos colonies sont composites : c’est-à-dire sont produites par des « synécismes », des rassemblements de sociétés diverses. Par exemple : Porto-Novo comprend non seulement des éléments locaux, rois, classes, société des chasseurs, etc. ; non seulement les éléments représentant l’administration supérieure dahoméenne ; mais aussi ses quartiers de nagots, autrement dit de gens du Yorouba. Un très grand nombre d’autres sociétés sont plutôt des confédérations de nations et de tribus que des sociétés solides formant des blocs. Exemple : Ho, du Togo ex-allemand. Les variations de ces organisations sociales composites ont pour signes : la variété des langues ; l’organisation de chacune de ces sociétés en castes régnantes et vassales ; la relative indépendance des sociétés membres qui les composent.

Mais ce dernier sujet est trop grave pour que nous puissions nous y étendre à souhait. Il nous suffit ici de le signaler et de seulement préciser que, faisant abstraction du cas de la société composite, de ces hiérarchies de sociétés, nous n’allons étudier que la cohésion sociale à l’intérieur d’une société homogène pleinement indépendante et dans la mesure de son indépendance.


Il ne suffit pas de constater ces notions et ces faits de communauté de biens et de droits, de solidité, d’attachement au sol, de paix, de loi, d’indépendance, de force commune et de nom porté en commun, il faut encore voir comment tout cela se forme.

Cet attachement général au sol et ce coude à coude ne sont que l’un des phénomènes de condensation des individus. Tout un ensemble de faits lient d’une façon permanente les groupes, les sous-groupes, les individus, à l’intérieur des groupes et sous-groupes et tous entre eux à l’intérieur de la société elle-même.