Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
62
l’avenir de l’intelligence

émotions, des divertissements, de quoi sortir du cercle de ses travaux, de quoi se passionner et de quoi jouer. Le genre humain joue toujours avec ses outils. Et, du fait de ce jeu, ce qu’on appelle le public s’est donc trouvé soudainement et infiniment étendu. L’instruction primaire, la caserne, le petit journal paraissent des institutions assez solides pour qu’on soit assuré de la consistance et de la perpétuité de ce public nouveau. Il s’étendra peut-être encore. Dans tous les cas, aussi longtemps que la civilisation universelle subsistera dans les grandes lignes que nous lui voyons aujourd’hui, la lecture ou une occupation analogue est appelée à demeurer l’un de ses organes vitaux. On pourra simplifier et généraliser les modes de lecture, au moyen de graphophones perfectionnés. L’essentiel en demeurera. Il subsistera, d’une part, une foule attentive, ce qui ne veut pas dire crédule ni même croyante, et, d’autre part, des hommes préposés à la renseigner, à la conseiller et à la distraire.

Un débouché immense fut ainsi offert à la nation des écrivains. Bien avant le milieu du siècle, ils se sont aperçu qu’on pouvait fonder un commerce, et la littérature dite industrielle s’organisa. On usa de sa plume et de sa pensée, comme de son blé ou de son vin, de son cuivre ou de son charbon. Vivre en écrivant devint « la seule devise », observait le clairvoyant Sainte-Beuve[1]. Le théâtre et le roman surtout

  1. Bien qu’un peu polémique de ton, l’article de Sainte-Beuve sur la Littérature industrielle contient des vues de prophète. On le trouvera au deuxième volume des Portraits contemporains (Pa-