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la difficulté

Cela n’est pas de tous les âges. Ronsard et Malherbe, Corneille et Bossuet défendaient, en leur temps, l’État, le roi, la patrie, la propriété, la famille et la religion. Les Lettres romantiques attaquaient les lois ou l’État, la discipline publique et privée, la patrie, la famille et la propriété ; une condition presque unique de leur succès parut être de plaire à l’opposition, de travailler à l’anarchie.

Le talent, le talent heureux, applaudi, semblait alors ne pouvoir être que subversif. De là, une grande inquiétude à l’endroit des livres français. Tout ce qui entrait comme un élément dans les forces publiques, quiconque même en relevait par quelque endroit, ne pouvait se défendre d’un sentiment de méfiance instinctive et de trouble obscur. L’Intelligence fut considérée comme un explosif, et celui qui vivait de son intelligence en apparut l’ennemi né de l’ordre réel. Ces méfaits étant évidents et tangibles, la pensée des bienfaits possibles diminua. Les intérêts qui sont vivants se mettaient en défense contre les menaces d’un rêve audacieux.

Certes on craignit ce rêve. Mais il y eut dans cette crainte tant de haine qu’au moindre prétexte elle put se changer en mésestime.