Page:Maurras - L’Avenir de l’Intelligence.djvu/41

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
35
grandeur et décadence

Plus tard, l’abdication de Louis-Philippe et le départ de ses deux fils Aumale et Joinville, pourtant maîtres absolus des armées de terre et de mer, montrent d’autres types très nets du même doute de soi dans les consciences gouvernementales. Ces hauts pouvoirs de fait, que l’hérédité, la gloire, l’intérêt général, la foi et les lois en vigueur avaient constitués, cédaient, après la plus molle des résistances, à de simples échauffourées. La canonnade et la fusillade bien appliquées auraient cependant sauvé l’ordre et la patrie, en évitant à l’humanité les deuils incomparables qui suivirent et qui devaient suivre.

Che coglione ! disait le jeune Bonaparte au 10 août. Ce n’est pas tout à fait le mot : ni Louis xvi, ni ses conseillers, ni ses fonctionnaires, ni Louis-Philippe, ni ses fils n’étaient ce que disait Bonaparte, ayant fait preuve d’énergie morale en d’autres sujets. Mais la Révolution s’était accomplie dans les profondeurs de leur mentalité : depuis que le philosophisme les avait pétris, ce n’étaient plus eux qui régnaient ; ce qui régnait sur eux, c’était la littérature du siècle. Les vrais rois, les lettrés, n’avaient eu qu’à paraître pour obtenir la pourpre et se la partager.

L’époque révolutionnaire marque le plus haut point de dictature littéraire. Quand on veut embrasser d’un mot la composition des trois assemblées de la Révolution, quand on cherche pour ce ramas de gentilshommes déclassés, d’anciens militaires, et d’anciens capucins, un dénominateur qui leur soit commun, c’est toujours à ce mot de lettrés qu’il faut revenir. On