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l’avenir de l’intelligence

La Renaissance avait admis un ordre de choses plus souple et moins régulier ; le roi Charles ix y passait au poète Ronsard des familiarités que Louis xiv n’eût point souffertes. Cependant, au xvie siècle comme au xviie les orateurs, les philosophes, les poètes observèrent les convenances naturelles et, lorsqu’ils agitèrent de la meilleure constitution à donner à l’État, c’était presque toujours en évitant de rechercher l’application immédiate et la pratique sérieuse. Leurs esprits se jouaient dans des combinaisons qu’ils sentaient et nommaient fictives. Ils laissaient la politique et la théologie à ceux qui en faisaient état. Tirons notre exemple du plus délicat des sujets, de l’ordre religieux : Ronsard et ses amis pouvaient se réunir pour offrir des libations à Bacchus et aux Muses, et feindre même de leur immoler un bouc qu’ils chargeaient de bandelettes et de guirlandes ; quand il conte cette histoire de sa jeunesse, et d’un temps où la querelle de religion n’existait pas encore, le poète a bien soin de spécifier que c’était pur amusement ; on n’avait pas songé, en se couronnant des fleurs de la fable, à faire vraiment les païens, non plus qu’à s’écarter des doctrines de l’Évangile.

Voilà la mesure et le trait. Les Lettres sont un noble exercice, l’art une fiction à laquelle l’esprit s’égaye en liberté. Les effets sur les mœurs sont donc indirects et lointains. On les saisit à peine. L’écrivain et l’artiste ne peuvent en tirer ni vanité ni repentir. Ils en sont ignorants autant qu’innocents. Plaire au public, se divertir entre eux, c’est le but unique. La