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2. Du xvie siècle au xviiie.


L’histoire de notre ascension professionnelle a été faite plusieurs fois. Il n’y a, je suppose, qu’à en rappeler la rapidité foudroyante. Au xviie siècle, les dédicaces de Corneille, les sombres réticences de La Bruyère, la triste et boudeuse formule du vieux Malherbe, qu’un poète n’est pas plus utile à l’État qu’un bon joueur de quilles, permettent de nous définir la condition d’un homme qu’élevait et classait la seule force de son esprit.

On fera bien d’apprendre la langue du temps avant de conclure d’une phrase ou d’une anecdote que c’était une condition toute domestique. Ni l’éclat, ni l’aisance, ni la décence, ni, à travers tous les incidents naturels à une carrière quelconque, l’honneur proprement dit n’y faisaient défaut. Le rang était considérable, mais subordonné. Les Lettres faisaient leur fonction de parure du monde. Elles s’efforçaient d’adoucir, de polir et d’amender les mœurs générales. Elles étaient les interprètes et comme la voix de l’amour, l’aiguillon du plaisir, l’enchantement des lents hivers et des longues vieillesses ; l’homme d’État leur demandait ses distractions, et le campagnard sa société préférée : elles ne prétendaient rien gouverner encore.