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appendice i


iii

En un seul cas, Minerve, on pourra se plaindre de toi. C’est quand il nous arrive d’arrêter le travail et de considérer la seconde nature que tu nous permis de créer. Ô Chaos ! Ô père des monstres ! Car il se trouve que notre œuvre est effroyablement touffue et dense, comme si la forêt primitive, à peine éclaircie, avait donné le jour à de nouveaux peuples de ronces, moins faciles à pénétrer.

Que de fer ! Que de feu ! Que d’engins variés et que de complexes organes ! Que d’opérations presque inouïes, surajoutées ! Que de connaissances disparates amoncelées ! Supputons les terres nouvelles, les nations sorties de la nuit, les profondeurs du ciel ouvertes, l’imperceptible appréhendé. L’homme, qui inventait afin de s’asservir le monde, est tenu maintenant par les serviteurs nés de lui. Il en est à se demander ce qu’il fera des biens dont il perd le compte. Ô déesse, voilà l’inquiétude moderne. L’état de nos esprits réfléchit l’état de nos cœurs. L’industrie, et la civilisation les ont gravement compliqués.

Mais, Minerve, rien ne permet de conjecturer que tu ignoras notre mal. N’as-tu pas assisté à la naissance des civilisations de l’Asie ? Elles étaient tes filles, et tu sentis leur tumultueuse fureur. Tu vis bâtir les villes des ingénieux Mycéniens. Tu connus Tyr, Sidon, l’Égypte, l’Assyrie lointaine, les empires plus éloignés sur les deux bords du fleuve Indus. Athéna, Athéna, dis-nous ce que dit ta sagesse quand, d’entre ces barbares dociles à son conseil, de la plus belle époque de ces barbaries avancées, tu fis paraître en Grèce quelque chose de différent, qui fut meilleur.