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mademoiselle monk

rapports des choses humaines. En politique plus encore que dans les autres ordres de la nature, il n’y a pas de proportion entre un effet produit et ses causes immédiates. Tout y est concours, conjonction, brusque mise en rapport de réactifs d’une imprévisible énergie. Assurément, le compte fatal se retrouve après coup, quand on fait le dénombrement de toutes les causes en jeu. Mais, à l’heure d’agir, on les ignorait. Elles s’ignoraient elles-mêmes ou ne savaient pas leur valeur. Mlle  de Coigny ne se doutait absolument pas de sa force, qui résultait du fait qu’elle voyait M. de Talleyrand chaque jour. Mais le théoricien avait fait un calcul exact fondé sur une vue juste : l’ancien évêque d’Autun devait tenir un jour la clef de la situation.

Mlle  de Coigny eut à recommencer, avec plus de finesse, auprès de Talleyrand, la campagne brillante qu’avait menée contre elle-même Bruno de Boisgelin. Une année se passa. Les événements, à leur ordinaire et selon le cours inégal qui leur est propre, se précipitaient ou dormaient. La retraite de Russie étonna un instant et fut oubliée, car on l’oublia ! Pour se distraire ou nous faire prendre patience, Aimée de Coigny donne des croquis faits à coups de griffe (le mot est de M. Lamy) d’après l’entourage mâle et femelle du Monk ou du Warwick futur. Elle se moque des rêveurs de constitutions. « Vouloir faire une bonne chose toute seule et sans précédent, c’est rêver le bien et faire le mal », dit-elle en une phrase qui ne saurait manquer de plaire à l’auteur de l’Étape. Elle juge