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mademoiselle monk

plutôt que des vertueux radoteurs du sien. Lucrèce, Démocrite en avaient arrêté le dogme. Cette religion ne conteste pas la bonté des fruits de la vie, mais elle reconnaît qu’ils sont rares et courts. Brevis hic est fructus homullis, pouvait-elle dire avec son poète : « Le ciel lui paraissait plus vide encore que la terre », ajoute le biographe, « et Dieu fut absent de sa mort comme de sa vie ». Ses désespoirs, ses rêves, ses amours furent donc des parties dans lesquelles elle était engagée, sans réserve : elle risquait son tout là même où les croyants, fussent-ils des pécheurs, n’aventurent qu’une fraction de leur destinée, cette terre. Au delà rien. Nul avenir. La retraite coupée ; la consolation impossible. C’est ce qui donne à la rapide élégie de sa vie et de ses amours une intensité d’intérêt et d’émotion particulière. Si elle semble, par le langage et le style, l’élève négligente de Chateaubriand, de Mme  de Staël et de Rousseau, elle diffère de ces chrétiens spiritualistes, toujours tournés aux compensations d’outre-tombe, par la frénésie, la nudité, la pureté de son sentiment, même impur. — Ô monde, ô vie, ô songe, chantent ses soupirs, ô amour ! me voici tout entière. Si vous ne me rendez rien de ce que je donne, je demeure vide à jamais.

Telle quelle, je la préfère aux dames protestantes dans le goût de Mme  Sand. Ce doit être le sentiment de M. Étienne Lamy qui, par contenance, s’en cache. Mais il nous conte une triste histoire. À l’entendre, les trois ou quatre dernières années d’Aimée de Coigny auraient été sombres. Moins heureuse qu’Hélène