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mademoiselle monk

nu. « Une femme de ses amies a dit qu’il était à la fois très laid et très séduisant. » Mais, ajoute fort sensément le biographe, c’est un mauvais début de séduction que la laideur. Rien de plus juste. On verra plus loin que Garat fit oublier le même défaut par la magie de l’éloquence. Pourquoi Mlle de Coigny, si longtemps amoureuse du « petit homme à l’air chafouin »,aurait-elle nécessairement dédaigné un poète qui, sans être de beaucoup plus laid que Garat, aurait pu se montrer tout aussi éloquent ? Je ne tiens pas du tout à ce qu’elle ait rendu à Chénier réalité pour poésie et faveur pour hommage… — Pourquoi pas, alors, à Suvée, qui fit son portrait ? interrompt vivement M. Étienne Lamy. — En effet, pourquoi pas ?… Tout ce que je dis ne tend qu’à noter la faiblesse des raisons mises en avant par M. Lamy. Si l’idée de cette liaison lui déplaît, que ne la nie-t-il simplement ?

Aimée de Coigny fut simultanément la maîtresse de Lauzun et de Malmesbury. Peut-on tirer un grand avantage contre le bonheur de Chénier de ce que ce fut justement à Saint-Lazare qu’elle fit la rencontre du sieur Mouret de Montrond, lequel ne tarda pas à tenir une place considérable dans la vie de la prisonnière ? Montrond avait été écroué le même jour qu’elle et, au lieu de forger des églogues à sa belle amie, il prit le bon parti, qui était de la délivrer. L’homme pratique eut la chance de réussir, environ deux mois avant Thermidor.

Fût-ce reconnaissance, fût-ce admiration pour son sauveur, tout jeune encore et si habile ? Il ne suffit