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mademoiselle de coigny

« Ses discours ». Mais M. Lamy nous apprend que cette sirène tenait aussi d’un autre dieu de la mer, du sage Protée. « Il y avait en elle trop de femmes pour qu’on se défendît contre toutes : qui résistait à l’une cédait à l’autre, voilà le secret de l’empire exercé par elle et par celles qui lui ressemblent. » Chénier avait-il lu M. Étienne Lamy ? Presque aussi amoureux que notre critique, il a senti autant que lui cet « empire » du charme. Il évoque le poids de la chaîne odorante :

Et comme elle craindront de voir finir leurs jours
           Ceux qui la passeront près d’elle.

Il ne pouvait mieux confesser quel lâche sommeil menaçaient de lui distiller ces beaux yeux. Signe qu’il y était bien pris.

Incontestablement, Mlle  de Coigny fait le centre du petit poème, il est trop facile de voir qu’un peu d’amour s’en est mêlé. On ne discute que de savoir comment fut reçu l’amoureux. Plein d’objections, de répugnances, M. Lamy raisonne de Chénier comme d’un rival. Comment croire qu’on ait accordé la moindre faveur à un poète ainsi bâti ? « De stature massive, de taille épaisse, il avait cet aspect de puissance stable qui sied aux orateurs et aux combattants, mais qui, hors de l’action, paraît lourdeur. » On était peut-être dans le feu de l’action en 1794. M. Étienne Lamy insiste ; les yeux étaient vifs, mais petits ; les boucles de la chevelure avaient été abondantes, mais, à trente-deux ans, le crâne était déjà à