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le romantisme féminin

tableau de sa vie intime. On se représente ses vœux et ses désirs non comme ils sont, non pas même comme on les sent, mais bien comme on les pense et comme on les repense, à force d’attention, de répétition et d’étude. Un sentiment dont on s’exagère la force s’exagère à son tour, et l’hyperesthésie, d’abord fictive, devient réelle. Les choses ne reçoivent plus leur désignation ordinaire. On prend l’habitude de les appeler du nom qui les amplifie. Le moindre rêve atteint par cet artifice à la taille d’un vœu et d’un souhait formels, et le souhait se gonfle à la proportion d’un désir, le désir passe volonté, et la volonté même, se déclarant nécessité, édicté impérieusement au dehors des obligations absolues.

Le plus innocemment du monde, un cœur trop exercé, et surtout trop replié sur son exercice, est ainsi résolu à se tromper sur lui, mais aux dépens des autres. Ses idées fausses le conduisent à un système de caprices durs et de volontés exigeantes ayant force de loi, devant lequel aucun amant ne sera sans crime. Les vertus du cœur féminin, résignation, douceur, patience, sont dès lors exposées à bien dépérir. À la sécheresse des passions fortes s’ajoute une autre aridité, causée par ces méprises du jugement, qui élèvent à l’état de règle inviolable des soupirs qui ne sont rien autre que des faits. Faits sacrés d’un prix infini ! mais qui perdent leur grâce, leur charme et leur puissance même à siéger au nombre des Droits. Cette amante en bonnet carré invoque tour à tour, suivant le bon plaisir et les circonstances, le Droit à