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leur principe commun

la courbe des allées du jardin, ou la gerbe de fleurs dont elle est le centre vivant. Il faut que tout converge et que tout rayonne. C’est par rapport à soi qu’elle renouvelle le monde, et ce monde, qu’elle a frappé à son empreinte, doit tendre à la représenter dans une formule qui ne puisse se rapporter à d’autres qu’à elle. Si elle aspire ainsi à ce que le féminin Verlaine appelait le prestige d’être bien soi, c’est pour régner sur la mémoire de l’homme enivré, pour n’y être pas oubliée, pour le suivre, si loin qu’il aille, des effluves de son parfum. Créer une obsession, c’est le commencement de tout artifice d’amour. L’homme agit, court, voyage, mais la femme existe et demeure. Quand il lui parle des vains royaumes du monde, il dit nous : elle répond moi. Pour se traduire, il a le style général et la suite de ses actions, mais sa compagne, oisive, concentrée, casanière, travaille à sa propre statue, tour à tour artiste et ciseau, marbre à dégrossir et figure faite en vue du seul événement de la vie des femmes, l’amour.

Cet amour venu n’abolit pas l’obsession du moi dans l’éternel esprit féminin. C’est la naissance de l’amour qui parfois se dérobe dans la pénombre des formes inconscientes. « On ne pense à rien, on est content », écrit l’auteur de la Nouvelle Espérance, « on s’habille le soir, on se met des couronnes de fleurs sur la tête et des robes de tulle où l’on est à moitié nue, on se vide des flacons d’odeur sur les bras, et on va à cela en riant sans se douter comme on est brave. » L’excitation de cette ivresse pourra durer. Mais l’inconscience, elle, est très courte. L’héroïne de