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leur principe commun

sensibles au toucher des papilles de notre main. Une autre, en les faisant entrer dans des combinaisons trop neuves, les fait aussi hurler entre eux de se voir accouplés : les tons juxtaposés qui déchirent l’oreille frappent l’imagination et s’imposent au souvenir. Enfin, pour une troisième qui est la plus folle du Mot, non seulement en art, mais dans la sensation des passions de l’amour, le mot est employé aux caresses d’un sens nouveau.

Sabine de Fontenay pousse la sensualité verbale à un degré voisin de l’hallucination, mais l’auteur réussit à en faire admettre le paroxysme :

« , — s’écriait-elle, en se tenant la tête comme devant un danger, un accident, — où, dans quelle portion de l’air puis-je goûter la forme délicieuse et mouillée de certains mots que tu dis ! »

Gardons-nous cependant de prendre ces lignes pour un cri de passion. Elles découlent d’une Poétique secrète.

— « Vous aimez beaucoup le mot « cœur » ?

— « Oh ! oui, avoua-t-elle, n’est-ce pas ? C’est le mot charnel et sensible, le mot rond dans lequel il y a du sang.

Et le mouvement de ses mains modelait ses phrases. »

    du mot-parfum, du mot-chose, qui est elle-même la conséquence de la théorie du mot-Dieu, nomen numen, que Victor Hugo enseigna quarante ans plus tôt : Car le mot, qu’on le sache, est un être vivant. Cet être vivant s’émancipa par le romantisme des liens de la raison et même de la signification. Après Hugo, avant M, Ghil, Arthur Rimbaud avait établi une gamme de la coloration des voyelles A noir, corset velu