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leur principe commun

chez nous, est cependant restée distincte des vraies Lettres françaises. Il faut sentir l’hétérogénéité de Sand, de Staël et de Rousseau ou s’abstenir de censurer leurs héritières ; celles-ci ne sont rien qu’une onde, la dernière, de cette invasion gothe qui se rua sur nous par l’échancrure de Genève et de Coppet.

Objecter que ces contemporaines nous arrivent plutôt du midi que du nord ou de l’est, et nous approvisionnent d’éléments helléno-latins, ne serait pas une défense bien sérieuse. La Grèce, l’Espagne, l’Italie d’aujourd’hui, la Dacie elle-même, où les dialectes latins se sont gardés assez purs, ont été plus subjuguées encore que notre France par le germanisme des cent cinquante dernières années[1]. Depuis la fin du haut moyen âge, la France est le boulevard de la Classicité ; qu’il cède, elle cède en Europe. La prédilection de l’empereur Julien, ce fidèle des anciens dieux, semble avoir désigné Paris pour l’héritier direct du monde classique. Nulle terre en Europe ne donna des leçons de goût à l’Attique moderne. L’Europe entière est barbare, en comparaison ; mais, depuis que l’influence française diminue et qu’elle procède d’un génie moins pur, la barbarie universelle n’a pu que s’accroître.

Dans toute l’Europe méridionale, la haute société

  1. Ceux qui m’objecteront l’origine danubienne de Ronsard n’auront pas réfléchi, que, avant la Réforme, la culture romaine s’étendit à la chrétienté tout entière. La Germanie n’existait point à l’état de protestation contre cette culture. Il y avait bien des sauvages et des sauvageries, mais il n’y avait point de barbarie constituée, comme aujourd’hui. La Civilisation n’était pas contrefaite.